De plus en plus de commerçants analysent votre visage avec cette caméra discrète

Un nombre croissant de commerçants s'équipent de caméras qui analysent discrètement les visages de leurs clients à la caisse. Un dispositif qui soulève un problème de confidentialité.
Si vous achetez un paquet de cigarettes ou des jeux d'argent chez votre buraliste, vous constaterez peut-être la présence d'un petit appareil ressemblant à une webcam. Celui-ci, non content de vous filmer, va analyser soigneusement les traits de votre visage à l'aide de l'intelligence artificielle. Son but : déterminer si vous êtes majeur ou non.
En effet, en France, la loi interdit la vente de tabac aux mineurs, comme le stipule l'article L3512-12 du Code de la santé publique. Mais, en pratique, cette interdiction est bien difficile à faire respecter. Selon un rapport du Comité National Contre le Tabagisme (CNTC) publié en 2022, pas moins de 64 % des buralistes ont admis avoir vendu du tabac à des mineurs de dix-sept ans en 2021. Pire encore, selon la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, 94 % des jeunes fumeurs parviennent encore à acheter leurs cigarettes auprès des buralistes. Preuve que la loi n'est pas toujours appliquée…
Aussi, pas moins de 200 buralistes français ont installé des appareils équipés d'un logiciel d'analyse faciale, baptisés MyCheckr et mis au point par l'entreprise Innovative Technology. Le système se décline en deux modèles : le MyCheckr, qui intègre un écran permettant la diffusion de publicités et est commercialisé à 480 euros, et le MyCheckr Mini, qui ne comporte pas d'écran et se contente d'un système de voyants lumineux - vert pour les clients estimés majeurs, rouge pour signaler un doute sur l'âge -, qui est, lui, commercialisé à 280 euros.
Bien évidemment, la technologie n'est pas infaillible, elle dispose donc d'une marge de sécurité de deux ans. En France, l'appareil est paramétré sur 21 ans. Si le client est assimilé comme étant majeur, il doit alors montrer une pièce d'identité pour prouver son âge.
Mais une telle technologie soulève forcément des inquiétudes, notamment quant à la protection des données. Innovative Technology se veut rassurante et assure sur son site Internet que les données font l'objet d'un traitement local, sans que les images des clients ne soient enregistrées, et que l'appareil n'est pas connecté à Internet. Elle précise également qu'il s'agit d'analyse faciale, et non de reconnaissance faciale. Il n'y a donc aucune base de données utilisée pour déterminer l'identité d'un client.
Quelques points méritent tout de même d'être soulevés. En premier lieu, l'analyse faciale s'applique à tous les clients, y compris ceux qui n'achètent pas de produits soumis à une restriction d'âge. Or, la réglementation européenne sur la protection des données (RGPD) impose que seules les informations strictement nécessaires à un objectif précis soient collectées, ce qui n'est donc pas le cas ici.
De plus, même si les données sont anonymisées, elles peuvent malgré tout être exploitées commercialement. En plus de la diffusion de publicité sur les écrans, Innovative Technology précise que la machine produit des rapports selon le genre ou l'âge des clients. Pas étonnant que la CNIL fasse preuve de méfiance vis-à-vis du dispositif…