"Des bombes à retardement" : les électriciens alertent sur ces nouveaux risques d'incendie

"Des bombes à retardement" : les électriciens alertent sur ces nouveaux risques d'incendie

Face à l'utilisation grandissante de nouveaux équipements électriques, les installations de nos foyers atteignent leurs limites physiques. Les professionnels s'inquiètent, en alertant sur la multiplication des incendies domestiques.

Jamais nos logements n'ont été aussi sollicités énergétiquement. Il suffit de regarder les toits et les garages pour constater cette évolution accélérée : en 2024, près d'un million de pompes à chaleur ont trouvé preneur en France, tandis que le parc de bornes de recharge chez les particuliers dépasse désormais 1,4 million d'unités. Et selon Enedis, on compte plus de 1,2 million d'installations photovoltaïques en 2025.

Mais si elle est vertueuse pour le climat, cette grande mutation se heurte à un obstacle de taille : la vétusté de nos réseaux électriques domestiques. De fait, tous ces nouveaux équipements véhiculent des courants souvent importants, et durant de longues périodes. Contrairement aux appareils traditionnels comme les fours ou les lave-linge qui fonctionnent par intermittence, les pompes à chaleur tournent presque en continu en hiver et les voitures électriques se rechargent pendant des heures. Or ces utilisations font transiter des courants très élevés dans le réseau domestique..

En outre, les panneaux solaires photovoltaïques et les batteries qui les complètent injectent du courant dans des circuits qui n'ont pas été conçus pour cela. le courant circule désormais dans les deux sens : une bidirectionnalité que les vieux tableaux, installés dans les années 1970,  1980 ou 2000, ne savent pas gérer nativement. Sans parler des erreurs come le branchement de ces sources sur de simples prises murales, en bout de réseau…

© bialasiewicz - 123RF

 Résultat : ces installations domestiques se retrouvent sollicitées au-delà de leurs capacités, avec des câbles et des composants qui s'échauffent durant des heures. Et elles sont souvent gérées par des tableaux électriques dissimulés dans un placard de l'entrée ou du garage. Le risque d'échauffement, de court-circuit, voire de départ de feu, augmente considérablement si le "cœur" électrique de la maison n'est pas adapté à ces nouvelles charges.

Pour tenter d'enrayer cette montée des risques, plusieurs organisations du secteur ont élaboré un livre blanc présentant une série de pistes concrètes. Dans les logements neufs, elles recommandent notamment de centraliser toutes les sources d'énergie au même endroit, juste après le disjoncteur principal, afin d'éviter les branchements improvisés. Elles préconisent également de créer des circuits séparés pour chaque équipement, chacun protégé par un différentiel adapté. Autre point essentiel : inscrire clairement les capacités réelles du tableau, afin de faciliter les diagnostics futurs, surtout lorsque de nouveaux dispositifs seront ajoutés progressivement.

Pour les habitations déjà construites, les experts proposent une approche réaliste mais ferme. Avant toute installation, le propriétaire doit être informé de l'état réel de son infrastructure et des limites qu'elle peut supporter. Ils demandent aussi que chaque nouvelle source d'énergie soit raccordée directement au tableau principal, et non dispersée dans la maison au gré des possibilités. L'ajout d'une protection supplémentaire entre les équipements modernes et le tableau ancien fait également partie des recommandations, car elle peut empêcher un échauffement dangereux en cas de surcharge. Dans les logements plus anciens, notamment ceux des années 1970 qui ne disposent pas de protection différentielle 30 mA, cette modernisation devient indispensable pour réduire les risques d'électrocution.

À l'heure où la transition énergétique s'accélère, ces appels des professionnels rappellent qu'un logement ne peut pas absorber indéfiniment de nouveaux usages sans adaptation. Une installation électrique n'est pas un simple détail technique : elle constitue la colonne vertébrale de l'habitation. L'intégration de panneaux solaires, de batteries, de pompes à chaleur et de bornes de recharge apportent d'importants bénéfices, mais seulement si elle s'appuie sur une infrastructure saine et sécurisée. Les experts insistent : avant d'installer ces nouevaux équipements électriques, il faut s'assurer que la base est solide. Il en va de notre sécurité !