Cette entreprise espionne 4 milliards de personnes - elle sait tout de vous et peut prédire votre comportement

Cette entreprise française possède des informations personnelles très détaillées sur presque tous les utilisateurs d'Internet. Pire, grâce à elles, elle peut prédire leur comportement.
Comme la plupart des gens, vous ignorez probablement l'énorme quantité de données personnelles que l'on collecte sur vous à votre insu sur Internet. À chaque fois vous acceptez les conditions d'utilisation d'un site, d'une application ou d'un service, vous autorisez en effet des entreprises à récolter et à utiliser des informations sur vos activités et vos goûts. Mais certains en enregistrent beaucoup plus encore, et pas seulement sur Internet.
C'est le rôle des courtiers en données (ou data brokers en anglais), qui pistent justement vos activités, aussi bien en ligne que dans le monde réel. Elles collectent les informations à partir de différentes sources pour constituer un profil détaillé de vous, puis le vendre. Non seulement elles connaissent vos données "basiques" (nom, âge, sexe, niveau d'études, habitudes de consommation, etc.), mais aussi des informations beaucoup plus sensibles, comme votre niveau de revenus, votre santé ou même votre casier judiciaire.
Ce commerce existe depuis de nombreuses années. C'est même l'une des activités principales de Google (et d'autres géants de la tech comme Meta) qui utilisent ces profils pour leurs régies publicitaires et engranger ainsi de confortables revenus. Mais il est en train de prendre une dimension bien plus inquiétante avec l'intelligence artificielle (la fameuse IA qui agite la planète). Et cela ne concerne pas uniquement les grandes entreprises américaines : un célèbre groupe français vient d'en faire une démonstration édifiante.

Cette entreprise, c'est Publicis Groupe, une multinationale française spécialisée dans la publicité et la communication. Après avoir racheté des courtiers en données (Epsilon en 2019 et Lotame en 2025), le groupe a récemment dévoilé un nouvel outil d'identité connectée baptisé CoreAI. Dans une vidéo publiée récemment sur YouTube; Arthur Sadoun, le PDG du groupe, explique (dans un anglais très frenchy) que ce système de nouvelle génération collecte les informations de quelque 4 milliards de personnes, et, surtout, qu'il permet d'analyser et de prédire les habitudes et le comportement des consommateurs, à échelle individuelle.
Il prend l'exemple d'une jeune femme, qu'il nomme Lola. "À la base, nous savons qui est Lola, ce qu'elle regarde, ce qu'elle lit et avec qui elle vit", explique-t-il. "Grâce à la puissance de l'identité connectée, nous connaissons également ses abonnements sur les réseaux sociaux, ses achats en ligne et hors ligne, où elle achète, quand elle achète et plus important encore, pourquoi elle achète".
"Nous savons que Lola a deux enfants et que ses enfants boivent beaucoup de jus de fruits premium. Nous pouvons voir que le prix du produit qu'elle achète ne cesse d'augmenter chez son détaillant local. Nous pouvons également constater que les revenus de Lola n'ont pas suivi l'inflation. Nous pouvons donc anticiper qu'elle pourrait se tourner vers une marque moins chère et ajustons donc les publicités qu'elle voit, en mettant en avant une marque plus abordable, au bon moment et sur tous ses écrans". Publicis s'en vante ouvertement : nous sommes surveillés par un Big Brother publicitaire, capable de connaître et de prédire les comportements de 91 % des adultes connectés dans le monde.
Quel pouvoir ont les lois sur la protection des données dans tout cela ? Le problème, c'est que le milieu du courtage de données est particulièrement sous-réglementé et opaque. En Europe, le RGPD stipule que les consommateurs doivent fournir un consentement explicite avant toute collecte de données et qu'ils peuvent à tout moment demander aux entreprises de supprimer des données personnelles stockées – mais ce n'est pas le cas dans tous les autres pays.
Mais, bien souvent, ledit consentement est noyé dans les mentions écrites en tout petit de la plupart des sites Web. Il n'est donc pas toujours évident de déterminer dans quelle mesure vous cédez le contrôle de vos données. De plus, la plupart des agences gouvernementales n'ont pas les ressources nécessaires pour faire respecter les lois sur la vie privée à l'échelle qui les échappent. Sans compter que les amendes infligées à ces entreprises en cas de non-respect de la loi sont dérisoires par rapport à ce que rapporte ce business...