Ciblage publicitaire : Apple condamné à une amende de 150 millions d'euros

Ciblage publicitaire : Apple condamné à une amende de 150 millions d'euros

L'Autorité de la concurrence française a condamné Apple à une amende de 150 millions d'euros pour abus de position dominante, notamment à cause de l'App Tracking Transparency, son système de consentement publicitaire.

Dans la bataille que se livrent les fabricants pour dominer le marché des smartphones et tablettes, Apple a fait de la protection de la vie privée un argument clé – un choix stratégique dans un secteur largement fondé sur l'exploitation des données personnelles. Pour se démarquer, la marque à la pomme s'est positionnée en rempart contre ces pratiques, comme en témoigne sa devise : "Privacy. That's iPhone". Une promesse renforcée par l'App Tracking Transparency (ATT), un système obligeant les développeurs à obtenir l'accord des utilisateurs avant tout suivi de leurs données sur les apps et sites tiers – un changement qui a d'ailleurs fortement impacté aussi bien les petits éditeurs que des géants comme Meta et Snapchat.

L'intention d'Apple est tout à fait louable, mais la mise en œuvre a été fortement critiquée. Aussi, ce lundi 31 mars 2025, l'Autorité de la concurrence française a condamné Apple à une jolie amende de 150 millions d'euros pour abus de position dominante, notamment à cause de l'ATT, dont les "modalités de mise en œuvre ne sont ni nécessaires ni proportionnées à l'objectif affiché par Apple de protection des données", ce qui pénalise les éditeurs tiers.

Amende d'Apple : l'App Tracking Transparency mis en cause

Tout remonte à avril 2021, lorsqu'Apple déploie iOS 14.5 et le système ATT. Celui-ci demande aux utilisateurs d'iPhone et d'iPad, par le biais d'une fenêtre pop-up qui s'ouvre à chaque fois qu'une application téléchargée dans l'App Store est installée, s'ils autorisent ou non les applications à suivre leur activité. S'ils répondent "non", l'ATT coupe l'accès à l'identifiant unique, IDFA (IDentifier For Advertisers), qui est lié à l'appareil et qui est récupéré par les applications pour construire un profil publicitaire individualisé. 

Très vite, plusieurs associations professionnelles de la publicité en ligne ont saisi l'autorité de la concurrence, comme l'Alliance Digitale, le SRI, l'Udecam et le Geste, et ce dès 2020, lorsqu'Apple a annoncé son intention de mettre en place un tel système. Elles estimaient que l'entreprise à la pomme abusait de sa position dominante, en défavorisant les éditeurs d'applications non préinstallées sur l'App Store, et que cela aurait comme conséquence de faire baisser les revenus d'un grand nombre d'acteurs du secteur, dont une bonne partie repose sur la publicité ciblée.

© Autorité de la concurrence

Amende d'Apple : les petits développeurs particulièrement pénalisés

Si l'Autorité de la concurrence n'a rien trouvé à redire au système dans son fond, elle a cependant condamné la forme qu'il prend pour plusieurs points. En effet, elle relève que ce dispositif "engendre une multiplication des fenêtres de recueil de consentement compliquant excessivement le parcours des utilisateurs d'applications tierces", ce qui n'est pas conforme aux exigences du Règlement général sur la protection des données (RGPD). 

Autre problème relevé par l'instance : un manque flagrant dans la neutralité du dispositif au profit d'Apple. En effet, le refus du traçage ne nécessite qu'une seule validation de l'internaute pour être pris en compte, alors qu'il faut confirmer le pistage deux fois. Une asymétrie flagrante qui "pénalise tout particulièrement les plus petits éditeurs", qui "dépendent en grande partie de la collecte de données tierces pour financer leur activité", au contraire des "principales plateformes verticalement intégrées", qui disposent de leurs propres écosystèmes de données.

Enfin, l'Autorité fustige un "deux poids, deux mesures", puisque, au début, Apple ne demandait aucun consentement pour ses propres applications. Ce point a toutefois été corrigé à partir d'iOS 15 mais, aujourd'hui encore, Apple ne demande qu'une seule confirmation pour autoriser le suivi publicitaire, contre deux pour les autres éditeurs.

C'est pour toutes ces raisons qu'Apple a été condamné à une amende de 150 millions d'euros. Un montant qui a été adapté en tenant compte de la durée de l'infraction (de fin avril 2021 à fin juillet 2023), de la gravité des faits et de la puissance économique d'Apple. Les réactions à cette sanction ne se sont pas faites attendre. L'Alliance Digitale s'est félicitée "d'une belle victoire" et a demandé à ce que l'entreprise à la pomme "suspende ATT sans délai" et change ses pratiques. Ce qui ne semble pas être à l'ordre du jour. "Bien que nous soyons déçus par la décision d'aujourd'hui, l'Autorité de la concurrence française n'a pas exigé de changements spécifiques à l'App Tracking Transparency (ATT)", a fait savoir la firme de Cupertino.