Google AI Mode : avec l'IA, la recherche sur Internet ne sera plus jamais comme avant

Google bouleverse son moteur de recherche avec son nouveau mode IA, capable de répondre aux requêtes complexes en langage naturel et de synthétiser des résultats. Une révolution pour l'écosystème Internet.
Le lancement de ChatGPT fin 2022 a profondément secoué le monde de la tech. Toutes les entreprises s'y engouffrent pour gagner en visibilité, l'intégrant à leurs produits et services. Google, longtemps leader incontesté de l'intelligence artificielle, a rapidement réagi avec Gemini. Petit à petit, la firme intègre son IA dans l'ensemble de ses services : Google Messages, Google Maps, Gmail, Chrome, Traduction… Son moteur de recherche, qui détient 90 % du marché, ne pouvait donc décemment pas y échapper.
L'avènement des modèles génératifs tels que ChatGPT, Copilot, Mistral ou Gemini a profondément changé notre façon de chercher une information. Au lieu d'entrer les mots-clés dans un moteur de recherche et d'ensuite consulter les sites les plus susceptibles de contenir la réponse, de plus en plus de personnes vont directement demander à leur chatbot préféré. De plus en plus d'internautes se détournent donc, mine de rien, de Search.
Mais Google est loin d'avoir dit son dernier mot ! L'entreprise a profité de sa conférence annuelle, la Google I/O 2025, pour déployer une série d'innovations basées sur l'IA, y compris pour son moteur de recherche. Et cela pourrait bien annoncer la fin progressive de ce dernier tel que nous le connaissons depuis plus de deux décennies.
AI Overviews : plus besoin de cliquer, l'IA s'occupe de résumer
Lors de la Google I/O 2024, la firme de Mountain View avait déployé un peu partout dans le monde, excepté en Europe – à cause des contraintes du Digital Markets Act (DMA) et des autres réglementations sur les droits d'auteurs –, AI Overviews (Aperçus d'IA en français), une fonction d'IA générative produisant un petit résumé des résultats de recherche directement au-dessus de ces derniers (voir notre article). Le géant du numérique profite de son événement annuel pour l'étendre à 200 pays, avec la prise en charge de plus de 40 langues. D'après lui, les utilisateurs qui cliquent sur des liens depuis AI Overviews passeraient davantage de temps à consulter les articles qu'auparavant, ce qui serait donc au final bénéfique pour les sites Web, contrairement à ce qu'on pourrait penser.
Google AI Mode : adieu les résultats de recherche, bonjour Gemini
L'autre grande nouveauté est le mode IA (AI Mode), que Google avait commencé à déployer en mars dernier de façon expérimentale, auprès d'un nombre restreint d'utilisateurs afin d'éviter trop de dérapages de la part de l'IA (voir notre article). Cette fois, l'entreprise le déploie plus largement en Outre-Atlantique – mais il n'est pas près d'arriver en Europe, encore une fois à cause de la législation. Il prend la forme d'un nouvel onglet – aux côtés de "Images", "Vidéos", "Actualités", etc. – dans la version Web de Search, mais aussi dans la barre de recherche de l'application mobile.
Il repose sur une version personnalisée de Gemini 2.5 – qui devient désormais le modèle de langage par défaut – et une technique appelée "query fan-out" ("éventail de requêtes" en français). Pour faire simple, l'IA effectue plusieurs recherches simultanées sur différents sous-thèmes, compile les informations et les présente sous la forme d'un article détaillé. Elle affiche ensuite ses sources dans une colonne à droite, en listant les sites Web consultés. La réponse donnée peut être enrichie de graphiques, de liens ou encore de tableaux afin de faciliter la visualisation des données. L'utilisateur peut ensuite poser des questions sur les résultats pour approfondir, comme dans une discussion. Un peu comme ce que propose Perplexity finalement.
Le mode IA va cependant plus loin, car il prend en compte les préférences de l'utilisateur et son historique de recherche. Il peut même, si on lui en donne l'autorisation, se connecter aux applications de l'écosystème de Google, comme Gmail et Google Maps, pour adapter au mieux ses réponses. À terme, il sera en mesure de comprendre le contexte personnel de chaque utilisateur, et d'adapter ses réponses en conséquence. Pour Liz Reid, responsable de la recherche, c'est tout simplement "le futur de la recherche sur Google". Par exemple, lors de la planification d'un voyage, si l'utilisateur cherche "les meilleurs restaurants en terrasse à Nashville près de galeries d'art", l'IA croisera ses préférences, ses dates de voyage et la localisation de son hôtel (issues de Gmail) pour suggérer les meilleures options, avec possibilité de réservation et recommandations d'événements.
Le mode IA intègre également une fonction de recherche approfondie (deep search) pour répondre aux questions plus complexes. Il peut "effectuer des centaines de recherches, analyser des informations dispersées et produire en quelques minutes un rapport complet, rédigé au niveau expert et entièrement sourcé, vous faisant ainsi gagner des heures de travail" en exécutant plusieurs requêtes en parallèle. Une fonction qu'OpenAI et Grok, l'IA d'Elon Musk, proposent déjà depuis quelques mois maintenant. Ce mode, qui n'est pas activé par défaut, ne sera dans un premier temps disponible qu'aux États-Unis. Aucun lancement n'a encore été annoncé pour la France.
Google AI Mode : un mode surpuissant et des agents IA
Google intègre également les fonctions Live du Projet Astra. Ainsi, il est désormais possible d'utiliser la caméra de son smartphone pour effectuer des recherches en temps réel. Il suffit de filmer son environnement et de poser des questions pour que l'IA analyse l'image et fournisse des informations contextuelles. Cela peut s'avérer pratique pour le montage d'un meuble, ou pour une réparation à effectuer par exemple. Il suffit pour cela de cliquer sur l'icône "Live". Google affirme que le "mode IA est notre recherche d'IA la plus puissante, avec un raisonnement et une multimodalité plus avancés".
La firme de Mountain View introduit aussi les agents IA développés dans le projet Mariner au mode IA, afin de permettre à l'IA de réaliser des tâches au nom de l'utilisateur. Ils peuvent ainsi naviguer sur Internet à la place des internautes afin de traiter les données en temps réel, pour trouver les tickets les moins chers pour un événement ou réserver un restaurant par exemple. Enfin, le mode IA est également étendu au shopping, en générant des fiches produits extraites de Google Shopping, en permettant des questions de suivi contextuelles, et en recommandant des produits adaptés au profil de l'utilisateur. L'option "Buy for me" permet même d'automatiser le processus d'achat via Google Pay : l'internaute règle un prix avec un curseur pour un objet et, dès qu'un marchand le propose, l'IA l'achète automatiquement à sa place. Attention au prix toutefois, puisque cette fonction n'est disponible que pour les utilisateurs abonnés à Google AI Ultra, qui est à 250 dollars par mois !
Google Search : quel avenir pour la recherche Internet ?
Toutes ces nouveautés bousculent le fonctionnement de son moteur de recherche. Si leurs promesses sont assez incroyables et promettent de simplifier grandement la vie de l'internaute, il y a quelques points qui soulèvent des interrogations. D'abord, la gestion des données privées – un problème qui n'est pas nouveau avec Google. Comme nous l'avons vu, l'IA va encore plus collecter les informations de ses utilisateurs que ne le fait déjà la firme de Mountain View. En plus de retenir les discussions et d'accéder à tous les documents utilisés pour les recherches, le mode IA sera capable de fouiner dans les applications, comme Gmail et Google Maps, pour personnaliser ses réponses. Bien sûr, il est possible de refuser pour ce dernier point, mais c'est quand même un nouveau cap qui est franchi.
Autre point : tous ces changements chamboulent aussi tout un écosystème, qui comprend les médias, les sites de marques ou de particuliers, les acteurs du e-commerce, les sponsorisations, etc. Jusqu'à maintenant, chaque éditeur de site Web s'acharnait à travailler son référencement auprès de Google pour remonter toujours plus haut dans les résultats de recherche et ainsi être le plus visible et attirer le visiteur. Google semble balayer tout ce travail de fond, et les pages risquent de voir leur trafic diminuer. Et, derrière ces pages indexées, se cachent des métiers et une économie toute entière, qui vont devoir repenser leur manière de faire. Car la recherche telle que nous la connaissons risque de disparaître à jamais…