Temu, Amazon et Shein seront tenus responsables en cas de produits défectueux

Shein, Temu et Amazon vont devoir se conformer à la règlementation de l'UE en cessant de vendre des contrefaçons, des articles dangereux ou nocifs pour la santé. En cas de produits défectueux, les marketplaces seront les seules responsables.
Portés par une stratégie marketing offensive et des prix imbattables, les mastodontes du e-commerce Amazon, Shein et Temu occupent une place de choix sur le marché européen. En dépit des nombreuses critiques — incitation à la surconsommation, empreinte écologique désastreuse, conditions de travail douteuses, protection des données personnelles tout à fait relatives... —, ces plateformes de vente en ligne continuent de séduire massivement. Un succès fulgurant qui n'a pas échappé aux autorités européennes, désormais déterminées à réagir plus fermement.
Un des problèmes avec ces plateformes est qu'elles vendent des contrefaçons, des articles dangereux ou nocifs pour la santé, faisant fi des réglementations européennes. Aussi, l'Union européenne a durci le ton et engage désormais la responsabilité des plateformes pour tous les produits dangereux ou illégaux vendus sur leur site, comme le rapporte le Financial Times. Un renforcement de la législation européenne destiné à protéger les consommateurs européens face à l'afflux de produits importés à bas prix, principalement en provenance de Chine.
Shein, Temu, Amazon : les marketplaces mises face à leurs responsabilités
Au total, plus de 90 % des produits "de faible valeur" qui sont entrés dans l'Union européenne en 2024 provenaient de Chine depuis des plateformes de vente en ligne. Mais, sur ces plateformes en ligne, la qualité des produits a souvent été pointée. D'après une étude accablante parue en février 2024, plus de neuf jouets sur dix vendus sur Temu ne sont pas conformes aux règles de sécurité européennes. Intoxication, étouffement, coupure… Les produits présentent des risques importants pour la santé des enfants. De même, Shein et Temu ont tendance à incorporer des substances dangereuses pour la santé de leurs clients dans les vêtements qu'ils vendent (voir notre article). Malgré ses efforts, Amazon n'y échappe pas également.
Mais, jusqu'ici, les plateformes ont toujours trouvé la réponse légale : leurs places de marché (marketplaces) ne font que mettre en contact des vendeurs tiers et des acheteurs. Ainsi, tout individu qui achète des marchandises en ligne en dehors de l'UE, et au-delà d'un certain montant, est considéré comme importateur et doit s'acquitter des droits de douane et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Mais, surtout, il se retrouve à assumer les risques liés à des articles potentiellement défectueux ou dangereux.
Bruxelles est bien décidée à perturber ce flux en soumettant ces fameux colis à des obligations dont ils sont actuellement exemptés. Dans le cadre d'un projet de réforme du code des douanes européen, l'UE va obliger les marketplaces à fournir des données avant l'arrivée des marchandises dans l'Union européenne, permettant ainsi de mieux contrôler et inspecter les colis. Elles auront la responsabilité juridique de produits dangereux ou illégaux à la place des importateurs et seront donc forcées de garantir la conformité des articles aux réglementations européennes. Les données douanières des vingt-sept membres de l'UE seront mises en commun et une nouvelle autorité douanière centrale (EUCA) sera mise en place pour superviser ces opérations.
Shein, Temu, Amazon : une réforme douanière qui divise
Bien évidemment, les plateformes de e-commerce concernées sont loin d'être ravies. En effet, cette nouvelle législation pourrait largement affecter le modèle économique des plateformes comme Temu et Shein, dont le succès repose en grande partie sur des prix ultra-compétitifs et une chaîne d'approvisionnement directe depuis la Chine. De son côté, Amazon a réagi par le biais de son porte-parole européen et, là encore, le géant américain n'est guère enthousiaste : "Nous soutenons l'objectif de renforcer la sécurité des consommateurs, mais nous craignons que certaines mesures ne créent une charge disproportionnée sur les plateformes européennes par rapport à leurs concurrents étrangers".
En cas de non-respect de ce nouveau règlement, l'EUCA pourra bloquer l'entrée de produits non conformes et imposer des sanctions aux plateformes contrevenantes. Ces règles seront sans aucun doute bénéfiques puisqu'elles permettront d'assurer pleinement la sécurité des consommateurs. Toutefois, elles pourraient avoir un revers négatif, en pénalisant les consommateurs aux revenus modestes qui dépendent de ces plateformes pour accéder à certains produits à des prix abordables. Sans compter que les taxes supplémentaires, à savoir la réforme imposera des droits de douane pour les colis d'une valeur inférieure à 150 euros, là où ils en étaient jusqu'à présent exemptés. Cela pourrait avoir pour conséquence une augmentation immédiate des prix pour les consommateurs ainsi qu'un allongement des délais de livraison (voir notre article).
Les nouvelles règles devraient entrer en vigueur progressivement à partir de juillet 2025, afin de laisser aux plateformes quelques mois pour adapter leurs processus et se conformer à ce nouveau cadre réglementaire.