Fin du timbre rouge : comment fonctionne l'e-Lettre rouge de La Poste ?

Fin du timbre rouge : comment fonctionne l'e-Lettre rouge de La Poste ?

À partir du 1er janvier 2023, le célèbre timbre rouge pour les envois prioritaires cédera sa place à des lettres électroniques imprimées par la Poste. Un service plus cher, qui risque d'accentuer la fracture numérique, notamment chez les plus âgés…

Le célèbre timbre rouge – à l'effigie de Marianne – de La Poste vit ses derniers jours sous la forme que l'on lui connait aujourd'hui ! À partir du 1er janvier 2023, il sera remplacé par la e-Lettre rouge, un service  numérique consistant à envoyer via Internet un courrier électronique qui sera imprimé par à proximité du lieu de destination et distribué à J+1 (le lendemain en théorie) par La Poste. Un procédé "hybride" qui peut inquiéter quant à la sécurité et à la confidentialité du contenu des missives. Le timbre vert, réservé aux envois non prioritaires, continuera à être proposé, mais son délai d'acheminement sera allongé d'un jour, passant de J+2 (surlendemain) à J+3. Notons que les timbres achetés avant l'entrée en vigueur de ce système resteront utilisables, mais avec les nouveaux délais. Un timbre turquoise fera également son apparition pour certains types de courriers, tels que les feuilles de soin, les chèques et autres documents administratifs (voir plus bas). Enfin, l'Ecopli, la formule la moins chère mais très peu utilisée pour un envoi en 4 jours environ, sera supprimé. Là encore, les timbres gris achetés jusqu'au 31 décembre 2022 resteront utilisables sans limitation de durée et continueront à être distribués en quatre jours. "Vous l'aurez compris, le timbre ne disparaît pas. Il y aura trois affranchissements pour correspondre aux besoins des clients : un envoi dématérialisé avec la Lettre en ligne (ou e-lettre rouge), le timbre vert et le timbre turquoise (Lettre Services Plus)", explique La Poste sur son site. Des décisions prises pour moderniser les services de La Poste et limiter son bilan carbone, mais qui pourrait bien accentuer la fracture numérique.

La Poste continue sa transformation numérique 

Ces mesures, qui avaient déjà été annoncées le 21 juillet 2022 sur le site de La Poste, font partie partie d'un train de mesures prises par l'opérateur, qui affirme moderniser sa gamme courrier "pour répondre aux nouveaux usages des clients et améliorer son empreinte carbone". Des mesures que La Poste justifie en s'appuyant sur le fait que l'utilisation de la lettre rouge – comprendre, les courriers envoyés avec un timbre rouge pour un envoi prioritaire en mode rapide – a tendance à disparaître en France, au profit de moyens électroniques plus immédiats, comme le SMS, le mail (courriel) et la messageries instantanée. Selon ses statistiques, la moyenne annuelle par ménage était de seulement 5 lettres prioritaires en 2021 contre 45 en 2010. Et pour la majorité des usages du quotidien (envoi de documents administratifs, cartes postales, petites marchandises…), c'est la Lettre verte – donc le timbre vert, en mode plus lent – qui est choisi. 

L'autre argument avancé par La Poste, c'est l'impact environnemental, plus précisément son bilan carbone. Pour acheminer quotidiennement les lettres prioritaires, une centaine de camionnettes, très peu remplies, sillonnent les routes de France – à l'exemple de la liaison Dijon-Rennes, avec un véhicule qui parcourt chaque nuit 600 km pour seulement 500 lettres. D'ici à 2030, avec le développement de la e-Lettre rouge et de la lettre verte en J+3, La Poste compte économiser quelque 60 000 tonnes de CO2 par an, ce qui représente une réduction de 25 % par rapport rejets actuels. Une économie qui résultera de l'arrêt du transport aérien dans l'Hexagone courant 2023, d'un meilleur remplissage des camions et de l'impression des e-Lettres rouges au plus près des destinataire.

© La Poste

Nouvelles formules de La Poste : des tarifs presque stables

En pratique, pour envoyer une e-Lettre rouge, il faudra rédiger un courrier électronique et aller sur le site La Poste ou se déplacer dans un bureau de poste – où l'opération pour être réalisée seul, sur un automate, ou avec l'aide d'un conseiller – avant 20 h pour une réception le lendemain. Le document sera ensuite imprimé à proximité du destinataire puis mis sous enveloppe – avec un dessin de timbre rouge – pour être distribué. La e-Lettre rouge sera facturée à partir de 1,49 euro (pour 1 à 3 feuilles), contre 1,43 euro pour le timbre rouge prioritaire actuel, ce tarif incluant le coût du papier et de l'enveloppe. Une augmentation que La Poste estime indolore sur le budget postal annuel d'un ménage, d'autant que le prix du timbre vert ne change pas, en restant à 1,16 euro. Comme aujourd'hui, une option de suivi de distribution au prix de 50 centimes permettra d'avoir une confirmation de la distribution du pli.

Par ailleurs, pour les envois sensibles nécessitant une traçabilité (chèque, petite marchandise…) et une éventuelle indemnisation, La Poste proposera un nouveau mode, la Lettre turquoise services plus. Grâce à une technologie dite de "smart data", la Lettre turquoise services plus intègrera en standard des services comme la réception de notifications de suivi, la prise en charge depuis la boîte aux lettres personnelle par le facteur et une compensation forfaitaire en cas de retard de distribution. Elle sera proposée à partir de 2,95 euro, le tarif variant selon le poids (jusqu'à 2 kg), pour une distribution à J+2. Enfin, pour les envois "réglementaires", qui nécessitent une preuve juridique, le service de Lettre recommandée sera toujours disponible, à partir de 4,83 euros (contre 4,55 euros en 2022), avec un délai de distribution à J+3. Notons enfin que toutes les opérations numériques pourront être liées à un compte personnel dans lequel chaque usager – pardon, "client" – pourra consulter son historique de courriers et utiliser des modèles de lettres pour effectuer ses démarches administratives.

Si l'on peut saluer les efforts de La Poste pour ne pas trop augmenter ses tarifs à l'occasion de ces changements, il ne faut pas pour autant oublier l'évolution des prix ces dernières années. Pour mémoire, rappelons en effet que le timbre valait 0,60 euro en 2012, et qu'il a donc plus que doublé en dix ans, après de fortes hausses durant les années 90.  

Services numériques de La Poste : une accentuation de la fracture numérique

On le voit, La Poste continue sa "transformation numérique" à un rythme accéléré, comme en témoigne l'annonce du timbre numérique, prévu lui aussi pour 2023 (voir notre article). Mais cette révolution n'est pas sans soulever des problèmes et des questions. Ainsi, on peut légitimement s'interroger sur la confidentialité des courriers envoyés en e-Lettre rouge, notamment au moment de l'impression et de la mise sous pli. Une confidentialité qui ne sera assurée que si ces opérations "physiques" sont réalisées au moyen de machines automatisées, les documents électroniques étant en principe stockés sur des serveurs sécurisés. Une fois les documents enregistrés, ils seront effacés mais cependant gardés sur un site d'archivage à long terme pendant un an. La Poste devra redoubler de vigilance sur ces points, quand on connaît l'ingéniosité des pirates informatiques…

L'autre point sensible a un caractère plus social. Car si l'on comprend l'envie de La Poste d'aller vers davantage de numérique, on peut s'interroger sur ce que ces transformations va imposer aux usagers les moins aguerris aux outils électroniques. À commencer par les personnes âgées, qui ne sont pas toutes à l'aise – loin s'en faut ! – avec les ordinateurs, les tablettes, les smartphones et Internet. Et elles ne sont pas les seules dans cette situation. Tout le monde n'a pas ce genre d'appareil et une connexion à disposition à domicile. Et se rendre dans un bureau de Poste pour affronter un automate ou une file d'attente n'est pas l'idéal. Surtout quand on sait que La Poste réduit les horaires d'ouverture de nombreux bureaux dans des villages, quand elle ne les ferme pas tout simplement. 

Le problème de cette marche forcée vers le tout numérique va d'ailleurs bien au-delà des services postaux. D'une façon plus générale, il convient aussi de s'interroger, voire de s'inquiéter, sur la généralisation de ces méthodes qui imposent l'utilisation d'appareils électroniques et de connexion à Internet pour les démarches administratives – déclaration de revenus, certificat d'immatriculation de véhicule, demande d'allocation, renouvellement de pièces d'identité, etc. – comme pour certains paiements – titres de transport, comme les billets SNCF, avec la raréfaction des guichets "humains". La révolution numérique fait des laissés pour compte dans la population, en aggravant une fracture de plus en plus sensible, et pas uniquement chez les "anciens".