
Darkino : le site pirate change d'adresse et prépare son service de stockage
Darkino : le site pirate change d'adresse et prépare son service de stockage
Pour échapper aux mesures de blocage, Darkino change régulièrement d'adresse. Mais le site pirate, qui propose du téléchargement direct et du streaming illégal, veut aussi créer son propre service de stockage pour palier la fermeture d'Uptobox.
Après une baisse sensible, le piratage d'œuvres protégées par le droit d'auteur, et notamment des films et des séries, semble reparti à la hausse en Europe, comme le souligne l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) dans son rapport pour l'année 2023. Il faut dire que les augmentations récentes et multiples des tarifs des services de streaming de type Netflix ou Disney+ n'encouragent pas à rester dans la légalité dans une période d'inflation généralisée qui réduit le pouvoir d'achat de nombreux consommateurs. Et n'en déplaise l'Arcom qui mène actuellement une curieuse campagne de publicité, les sites proposant gratuitement et illégalement des contenus piratés en téléchargement ou en streaming semblent se porter de mieux en mieux.
C'est notamment le cas de Darkino, qui est devenu l'une des nouvelles références du domaine en France depuis son lancement en début d'année. Apparu sans prévenir à la fin 2022, ce site a pris "officiellement" la relève du célèbre Tirexo et de ses éphémères successeurs – PapaFlix et Palixi –, en conservant les recettes qui avaient fait leur succès – notamment un incroyable catalogue de films, de séries TV, de logiciels, de jeux, de musiques, de magazines et autres ebooks, tous piratés – avec une interface et des fonctions soignées, dignes des meilleures plateformes légales de diffusion de contenus. Pas étonnant qu'il ait connu un succès rapide auprès des amateurs, malgré une féroce concurrence avec d'autres plateformes similaires (voir notre article sur les sites de téléchargement direct).
Darkino : bientôt un service d'hébergement de fichiers piratés ?
Mais la vie des sites pirates comme Darkino ou Wawacity est loin d'être un long fleuve tranquille. Cibles de l'Arcom et de divers organismes internationaux de gestion de contenus protégés par les droits d'auteurs, ils font continuellement l'objet de plaintes et de poursuites, ce qui les contraint à changer régulièrement d'adresse d'URL pour échapper aux radars – ce que vient encore de faire Darkino en cette fin septembre 2023. Par ailleurs, ils subissent depuis quelque temps des mesures de blocage chez la plupart des fournisseurs d'accès à Internet (FAI), qui empêchent d'accéder directement à leur URL. Des blocages qui restent toutefois faciles à contourner par les connaisseurs, puisqu'il suffit d'utiliser un VPN ou de changer les DNS – les annuaires d'Internet – pour passer outre…
Comme si ces "contrariétés" ne suffisaient pas, les sites pirates doivent désormais se passer d'un précieux allié : Uptobox. Bien connu des amateurs de téléchargement illégal, ce service de stockage en ligne a brusquement fermé ses portes à la mi-septembre 2023 (voir notre article) après avoir lui aussi été banni des DNS des FAI (voir notre article), privant les sites pirates d'un précieux réservoir à contenus – l'un des meilleurs du genre selon les spécialistes. Utilisateurs et administrateurs doivent ainsi s'en remette à d'autres plateformes comme 1Fichier. Mais Darkino ne semble pas se satisfaire de cette situation. Et le site promet même lancer prochainement son propre service de stockage en ligne, comme il l'annonce dans une bannière sur sa page d'accueil. Aucun détail n'est donné, pas plus que de date, mais on peut s'attende à voir apparaître sous peu un nouvel acteur dans le secteur très particulier de la recèle sur Internet, ce qui risque de ne pas plaire à l'Arcom...
Darkino : un catalogue impressionnant
Comme Tirexo et Palixi, auxquels il a succédé, Darkino est un site de téléchargement et de streaming illégal donnant accès à des contenus piratés. Dès sa mise en ligne, en janvier 2023, Darkino proposait déjà une foule de contenus, sans doute issus des anciennes bases de données de Tirexo et de Palixi. En septembre 2023, on compte ainsi plus de 38 000 films – anciens mais aussi récents –, plus de 13 000 séries – des classiques comme des nouveautés à la mod –, près de 9 000 animes, 11 000 documentaires, spectacles et émissions de télévision, environ 8 000 jeux, 2 000 logiciels, 13 000 ebooks et quelque 23 000 musiques. Une base énorme, élégamment mise en valeur grâce à une interface soignée, qui profite d'un système de classement sophistiqué et d'un moteur de recherche efficace avec de nombreux filtres. Et l'équipe qui l'anime semble être particulièrement motivée puisque le site à connu plusieurs refontes depuis son lancement, avec même une version en anglais, histoire de s'ouvrir à l'international. Une formule premium est même proposée, qui offrirait un service de streaming "meilleur que Netflix" (sic) utilisable sur tous les écrans – dont les téléviseurs, visiblement –, avec un abonnement allant de 2,5 à 3,5uros par mois. Rien que ça ! Les administrateurs n'ont vraiment peur de rien…
Comme toujours sur ce genre de catalogue, les contenus ne sont pas directement hébergés sur le site, mais via des liens pointant sur diverses plateformes de stockage en cloud comme 1fichier ou Uptobox, les deux services privilégiés à l'origine par Darkino. La technique classique pour contourner les lois qui interdisent ce genre de "partage" plus ou moins direct (voir notre article sur les sites de téléchargement direct).
Darkino : une adresse qui change souvent
Aussi curieux que cela paraisse compte tenu de son succès insolent, Darkino reste encore très facile à trouver sur le Web. Il suffit de saisir son nom dans un moteur de recherche comme Google ou DuckDuckGo pour le voir apparaître dans les premiers résultats avec son adresse en clair ! Une URL qui a déjà changé à plusieurs reprises – et qui changera encore – mais qui repose souvent sur la même recette, avec le mot darkino précédé des fameux www avec un chiffre et suivi d'une extension de domaine. Seule différence par rapport à ses débuts, le site doit désormais faire face à des clones qui reprennent son nom…
Le succès de Darkino est en effet tel que le site pirate est lui aussi cloné ! En avril 2023, on a vu apparaître un site portant le exactement même nom, mais avec un nom de domaine belge (.be) revendiquant les mêmes "services", à savoir du téléchargement et du streaming gratuits, toujours de façon parfaitement illégale. Détails amusants, le site clone reprend l'interface et le logo de la première version du "vrai" Darkino, et il apparaît devant l'original dans les résultats de certains moteurs de recherche. Les intentions de ses créateurs – ou plutôt copieurs – restent mystérieuses dans la mesurer où s'il propose lui aussi de nombreux contenus piratés, le téléchargement comme la lecture en streaming ne fonctionnent pas. Plus étonnant encore, le "faux" Darkino met en avant des films récents, qui viennent juste de sortir en salle, et dont aucune copie numérique ne circule pour le moment. Tout laisse à penser qu'il s'agit d'un leurre pour nuire au Darkino "officiel" en profitant de sa notoriété pour attirer des internautes – et donc du trafic. Un autre clone est apparu plus tard, mais proposant uniquement du streaming. Et s'il apparaît d'abord sous le nom Darkino, il dirige vite sur la plateforme pirate Gupi. Bref, de beaux exemples de la fameuse guerre des clones qui caractérise le milieu des sites illégaux, où les pirates piratent les pirates…
Et pour rester en tête de sa catégorie, Darkino évolue constamment. Ainsi, depuis son lancement, le site a changé plusieurs fois d'adresse mais aussi d'interface, tout en gagnant en fonctions. Au fil des refontes, les administrateurs du site ont mis à jour la base de données changé le logo, réorganisé la page d'accueil et ajouté des outils de recherche et de filtrage plus puissants (catégorie, genre, période, qualité, langue, , en offrant le choix entre streaming et téléchargement pour les contenus audiovisuels. Tout pour dorloter les habitués.
Darkino : un fonctionnement aléatoire et un avenir incertain
Pour autant, et même s'il a quelques velléités commerciales avec son offre pro Premium, Darkino n'est pas un site professionnel – ni un service public ! Et l'équipe qui s'en occupe n'a pas vocation à assurer une qualité de service 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, comme sur une plateforme d'entreprise légale. Depuis sa mise en ligne Darkino a ainsi connu plusieurs problèmes techniques, certains dus à des opérations de maintenance et des mises à jour, d'autres à des bugs et autres dysfonctionnements, problèmes qui se sont traduits par des fonctions désactivées ou des accès impossibles, avec parfois des messages d'erreur un brin cryptiques…
Ainsi, le site a été inaccessible à plusieurs reprises depuis son lancement. On aurait pu croire que la plateforme avait été bloquée par les autorités, face à son insolent succès – et sa visibilité. En fait, comme l'expliquent parfois les administrateurs dans des messages le fil d'info Telegram de Darkino – le même, d'ailleurs, qui était consacré au Tirexo d'origine… –, il s'agit le plus souvent d'opérations de maintenance, pour corriger des bugs ou faire évoluer le site. En général, tout revient "à la normale" en quelques heures. Mais rien ne dit que cette situation de quasi impunité durera : et Il est tout à fait possible que le site ferme brusquement, comme d'autres avant lui, si les autorités se fâchent.