#BoycottUSA : les internautes s'organisent pour boycotter les services numériques américains

En Europe, de nombreux citoyens, entreprises et élus appellent à boycotter les produits et les services numériques américains pour s'opposer à Trump et retrouver leur souveraineté. Alors, prêts à dire adieu à Amazon, Apple et Google ?
Cela ne fait même pas deux mois que le président Donald Trump a repris la tête des États-Unis, que les conséquences de ses décisions se font déjà ressentir un peu partout à travers le monde ! Entre les augmentations des droits de douane à 25 %, ses menaces répétées d'annexion du Groenland ou ses négociations brutales avec l'Ukraine, la grogne commence à monter. Sur les réseaux sociaux, le hashtag #BoycottUSA gagne en popularité, appelant les internautes à ne plus consommer de produits américains, comme McDonald's, Airbnb, Tesla, Ford ou encore Google. Car la meilleure arme est toujours le portefeuille.
Ce mouvement de boycott prend de l'ampleur au Canada et au Danemark, principalement ciblés par les ambitions expansionnistes de Trump, mais aussi dans le reste de l'Europe, y compris en France. La première "victime" de cet appel n'est autre que Tesla, l'une des sociétés du milliardaire Elon Musk, devenu proche conseiller de Donald Trump et qui dirige son nouveau département de l'efficacité gouvernementale (Doge) – et s'est accessoirement fendu de plusieurs saluts nazis. Résultat : les ventes s'effondrent. Mais l'appel au boycott touche aussi le monde du numérique.
Boycott américain : un site qui répertorie des alternatives européennes
Le récent comportement des géants de la tech américains, qui multiplient les appels du pied au président américain, met de nombreux utilisateurs très mal à l'aise. C'est par exemple le cas avec Google, qui a renommé le Golfe du Mexique en Golfe de l'Amérique sur demande du milliardaire aux cheveux jaunes. De même, la firme de Mountain View, Amazon et Meta ont décidé de mettre fin à leur politique de diversité – seul Apple a refusé de le faire. Meta a également décidé de supprimer son programme de fact-checking sur Facebook, Instagram et Thread, marquant un recul majeur de sa politique de modération des contenus et ouvrant grand la porte à la propagation de fake news (voir notre article).
it's time to boycott the usa, no one can do everything but everyone can do something.#realDonaldTrump #JDVance #ZelenskyyUa #BoycottUSA #SlavaUkraini pic.twitter.com/4jAmDkVHM8
— Rickard Kilström (@Rickard_K) February 28, 2025
Pour marquer leur mécontentement, certains désirent donc boycotter les grandes entreprises américaines de la tech. Des groupes Facebook sont même créés à cet effet, et ils ont du succès ! Pour aider les contestataires, le développeur autrichien Constantin Greaf a mis au point un site Web, european-alternatives.eu, qui répertorie tous les services numériques des GAFAM et autres géants du numérique. On y trouve ainsi des alternatives dans différents domaines, qui sont développées par des sociétés qui sont soit basées dans l'Union européenne, soit basées dans l'Espace économique européen, soit membres de l'Association européenne de libre-échange, soit ont signé l'ALECA, l'accord de libre-échange complet et approfondi.
Voici quelques exemples d'alternatives qui sont répertoriées :
- Pour Gmail : Proton Mail, Infomaniak kMail, Kolab Now, Mailfence…
- Pour Google Maps et Waze : Mapy, TomTom Go, Organic Maps, HERE WeGo…
- Pour Google Search : Qwant, Ecosia, GOOD, Startpage…
- Pour Google Chrome : Vivaldi, Firefox, Mullvad Browser…
- Pour WhatsApp : Olvid, SKRED, TeleGuard…
- Pour Apple Music : Spotify, Deezer, SoundCloud…
- Pour ChatGPT, Gemini et Copilot : Le Chat
- Pour X et Threads : Mastodon
- Pour LastPass : Proton Pass, Padloc, pCloud Pass, Passbold, Bitwarden…
Bien évidemment, cette liste n'est pas exhaustive, mais c'est un bon point de départ, et cela permet de découvrir quelques applications dont on n'avait jamais entendu parler !
Boycott américain : l'épineuse question de la souveraineté numérique
Mais attention, ce boycott pourrait être à double tranchant, qu'il s'agisse de produits ou de services américains. Concernant les produits, tous ne viennent pas forcément de là-bas. Ils sont certes nés aux Etats Unis, mais ils ne sont pas fabriqués qu'aux États Unis. C'est par exemple le cas des M&M's, des pots de glace Häagen-Dazs ou des capsules de lessive Ariel, qui sont fabriqués en France. Ces entreprises ont évidemment des filiales en Europe et c'est ici qu'elles produisent. Du coup, boycotter certains produits américains pourrait aussi avoir un impact sur les emplois européens. Même chose du côté des GAFAM, qui pourraient rogner en priorité sur leurs installations françaises.
Mais au-delà du boycott, le comportement et la politique de Donald Trump soulèvent des questions importantes au niveau de la souveraineté numérique de l'Europe, et de sa capacité à garantir le respect de la vie privée des utilisateurs. Dans un récent mémorandum, le nouveau président des États-Unis s'en est pris directement aux textes qui réglementent la confidentialité des données et la protection de la vie privée en Europe, à savoir le DSA, l'IA Act et même le RGPD, et qui se traduisent parfois par des amendes salées vis-à-vis des entreprises américaines.
Le fait que nous soyons aussi dépendants des services numériques d'Outre-Atlantique entraîne également un fort risque que les autorités américaines accèdent à nos données. En effet, grâce à ces lois, les autorités américaines peuvent exiger dans certains cas que les opérateurs de cloud américains leur fournissent les données stockées chez eux, où qu'elles se trouvent dans le monde. Or, 92 % des données des Européens, qu'elles soient médicales, industrielles ou personnelles, sont hébergées aux États-Unis. Et certaines données sont particulièrement sensibles ! À titre d'exemple, les données de santé pour la recherche alimentées par l'Assurance maladie, baptisées EMC2, sont stockées sur des serveurs de Microsoft (voir notre article). De ce fait, leur avancée technologique devient une véritable arme géopolitique, et nos données peuvent êtres utilisées comme moyen de pression.
Ce constat amène les politiques et les entreprises à envisager de repenser en profondeur et immédiatement le modèle européen pour sortir de la dépendance numérique dans laquelle nous nous sommes enfermés. "Nous devons appeler à la création d'un cordon sanitaire autour de nos données les plus sensibles et les rapatrier rapidement sur des infrastructures européennes", explique William Méauzoone, directeur général et co-fondateur de Leviia, une entreprise française spécialisée dans le stockage, à Comment ça marche. "Le rapatriement massif de données est techniquement faisable, mais il nécessite une coordination à grande échelle et des investissements substantiels. Le coût financier immédiat sera certes significatif – probablement plusieurs milliards d'euros pour l'ensemble de l'écosystème – mais il doit être mis en balance avec le prix bien plus élevé de l'inaction."
Il n'est donc pas question de boycott à proprement parler, mais d'adapter la politique numérique européenne. "Cela provoquera inévitablement des tensions avec nos alliés américains", concède William Méauzoone. "Mais cette démarche n'est pas anti-américaine : elle doit être vue comme une normalisation de nos relations fondées sur la réciprocité, non pas comme une rupture, encore moins comme un boycott."
Alors, en serons-nous capables ? Yann Klis, directeur général de Scalingo, une entreprise d'hébergement cloud, est plutôt optimiste. "Dans les entreprises et dans les administrations publiques, ce mouvement vers la mise en place d'alternatives souveraines est en cours depuis quelques années et il est évident qu'il va s'accélérer du fait du contexte actuel", se réjouit-il. On peut citer par exemple l'initiative du Gouvernement de privilégier l'IA générative française Le Chat dans ses différents services. "Nous avons en Europe et en France toutes les technologiques à notre disposition pour répondre à la très grande majorité des besoins sur notre territoire". Mais la transition ne s'annonce pas évidente pour autant.