Après les poupées sexuelles, Shein est accusé de vendre des armes de catégorie A

Après les poupées sexuelles, Shein est accusé de vendre des armes de catégorie A

Alors que Shein est empêtré dans le scandale des poupées sexuelles, un député saisit la justice pour dénoncer la vente par la plateforme d'armes de catégorie A. Mais c'est loin d'être la seule concernée…

Décidément, Shein enchaîne les polémiques ! Alors que l'enseigne fait une entrée remarquée en France en s'installant au BHV, elle est épinglée par la Répression des fraudes, au même titre qu'AliExpress, d'avoir mis en vente des poupées sexuelles à caractère pédopornographique (voir notre article). Une violation claire de la loi qui a amené le ministre de l'Économie, Roland Lescure, à menacer de fermer la plateforme en France si cela venait à se reproduire. Et cela pourrait bien arriver plus vite que prévu !

Le député LR de la Loire Antoine Vermorel-Marques a annoncé, le mercredi 5 novembre, avoir saisi la justice pour dénoncer la vente d'armes de catégorie A, comme des couteaux "zombie" – avec un côté tranchant et un autre côté dentelé –, des machettes et des poings américains, sur Shein. Or, il s'agit là d'un crime passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende. Cette accusation est toutefois à prendre avec des pincettes, car les plateformes chinoises, mais aussi Amazon, jouent sur un flou juridique concernant le classement des armes.

Vente d'armes sur Shein : des produits illégaux

Dans un entretien donné au Parisien et sur son compte X, Antoine Vermorel-Marques dénonce la vente de machettes, vendues comme "hache de camping", des couteaux zombies et des coups de poing américain "déguisés en bijou". "Cette 'hache de camping' est une arme. Elle est vendue comme best-seller sur Shein… et même soldée pour Noël. Un pas de trop", écrit-il dans un post X, en y joignant une capture d'écran. Il dénonce aussi la mise en vente d'un produit présenté comme des "bagues pour les doigts" mais pouvant s'apparenter à un poing américain, modèle également classé parmi les armes de catégorie A. Il est accompagné dans sa démarche par plusieurs autres parlementaires.

Pour aller plus loin, Antoine Vermorel-Marques compte déposer "dans les prochains jours une proposition de résolution européenne visant à alerter le gouvernement et la Commission européenne sur la nécessité de mieux réguler les plateformes en ligne", comme il l'annonce lors d'une conférence de presse transpartisane. Aux côtés de Romain Eskenazi (groupe PS), Emmanuel Maurel (groupe GDR) et Constance de Pelichy (Liot), la députée Olivia Grégoire (EPR) espère également l'étude "le plus vite possible" de leur proposition de résolution européenne "pour que nous obtenions un vote" et "faire bouger les lignes". "La bonne nouvelle, c'est que nous ne sommes pas seuls. Ces débats ont lieu en Italie, en Allemagne, en Espagne...", insiste-t-elle.

Ventes d'armes en ligne : de nombreuses failles et zones grises

Nous sommes allés voir ce qu'il en est sur les sites Shein, AliExpress – également touché par le scandale des poupées pédopornographiques –, Amazon et Temu. Et, effectivement, ce qu'on y trouve s'avère problématique sur plusieurs points. Pour rappel, la loi française stipule que les armes classées en catégorie A sont interdites à l'acquisition, la vente et la détention pour les particuliers. Et, selon le décret n°2025-894 – entré en vigueur en septembre 2025 –, cela concerne également les "couteau, coutelas et machette, à lame fixe (dit 'couteau zombie') qui dispose d'un côté tranchant, d'une extrémité pointue, d'un côté dentelé et présentant en complément soit plus d'un trou dans la lame, soit plusieurs pointes acérées", ainsi que les "armes contondantes dites 'coups de poing américains' d'un modèle postérieur au 1er janvier 1900 qui par leur conception permettent à quatre doigts d'être protégés et de maintenir l'arme tout en accentuant l'efficacité vulnérante de la frappe". La loi vise donc spécifiquement les armes destinées à blesser ou tuer, et non à un usage agricole ou utilitaire.

© CCM

Et c'est là tout le problème ! Les haches de camping, hachettes de survie ou outils multifonctions ne sont pas classés comme armes de catégorie A si leur conception et leur usage principal sont utilitaires (couper du bois, bricolage, etc.). Ils relèvent donc de la catégorie D, voire hors classement (outil de travail) – même si leur port et leur transport sans motif légitime restent interdits. Par exemple, les outils ayant une lame épaisse, courte, de forme utilitaire (fendage) et ne présentant pas les caractéristiques aggravantes (trous, dentelures offensives, extrémité très pointue, lame très longue) sont moins susceptibles d'être classés A – mais cela n'empêche pas qu'ils peuvent faire de sacrés dégâts s'ils sont utilisés de manière offensive.

© CCM

Sur les trois plateformes chinoises, les produits vendus sont assez ambigus. On trouve effectivement des "haches de camping", des tomahawks ou des hachettes multifonctions, dont la forme ne correspond pas à la définition stricte d'une machette d'arme blanche. Dans les photos d'illustration et les descriptifs, les vendeurs mettent l'accent sur leur aspect utilitaire. Toutefois, certains mettent explicitement en avant leur côté tactique, défensif et survivaliste, un aspect qui est souvent renforcé par le design de l'arme (forme agressive, couleur noire, finitions "survie"...), ce qui peut potentiellement les rapprocher de ce qui pourrait être examiné comme arme blanche. Mais il n'y a effectivement que sur Shein où nous sommes tombés sur un produit présentant toutes les caractéristiques d'une machette.

© CCM

C'est la même chose pour les fameux couteaux zombies. Shein et AliExpress se contentent de vendre des couteaux de survie pliants, ce qui leur permet d'échapper à la qualification d'arme de catégorie A. En revanche, nous sommes parvenus à en trouver des non-pliables sur Amazon et sur Temu, même s'ils ne présentent pas de trous dans la lame – ce simple détail esthétique peut-il suffire à les disqualifier ? 

Notons qu'AliExpress prend soin d'émettre, sur toutes les pages commercialisant des armes, un message d'avertissement : "Veuillez vous conformer aux lois et règlements applicables dans votre juridiction avant d'acheter. Toute utilisation illégale du produit pour des activités illicites est strictement interdite et peut entraîner des conséquences juridiques." En tout cas, la démarche d'Antoine Vermorel-Marques et des autres députés a le mérite de soulever une zone grise de la législation !